de la fibre

 

 Je travaille à partir de végétaux dont j’extrais la fibre. Ce procédé fut élaboré il y a plus de 2000 ans en Asie. C’est la base de la fabrication du papier. La technique consiste à cuire des végétaux «fibreux» dans une solution caustique. Celle-ci élimine les composants indésirables ou périssables et dissout la cellulose qui maintient les fibres entre elles. Les fibres « libres » pourront alors s’entremêler et devenir solidaires. Après rinçage, les fibres sont utilisées telles qu’elles ou raffinées en pâte.

Je crée les feuilles sur des tamis immergés dans l’eau. Une fois la composition achevée, je «lève»les feuilles des tamis pour les déposer sur des feutres. Elles sont ensuite fortement pressées pour enlever l’eau puis séchées et pressées à nouveau pour devenir planes.

Je travaille aussi les fibres en volumes. J’utilise ici la pâte et les fibres sur des moules. En séchant, elles conservent la forme imposée.

Je réalise ma matière première avec des végétaux communs, issus de mon environnement ou collectés lors de voyages.

 

L’émotion est dans le regard de celui qui contemple l’objet, pas dans l’objet lui- même. Susciter cette émotion c’est peut-être invoquer la mémoire.

La nature, celle qui simplement nous entoure, celle qu’on a pu toucher, sentir, fouler, arracher, manger, cueillir, offrir... invoque notre mémoire.

Mémoire légère des aigrettes soufflées au vent, mémoire ondoyante des champs de lin, mémoire colorée de l’iris au jardin, mémoire bruissante des feuilles dans le silence de la forêt, mémoire salée de l’oyat des dunes, mémoire cuisante de l'ortie, mémoire fumante de la liane de clématite...

Je me suis essayée à plusieurs medium comme le dessin, la photographie et le cinéma. Mais il me manquait quelque chose d’essentiel, un besoin d’évidence et de simplicité. La découverte de ce procédé m’a ouvert une porte sur un immense champ créatif.

J’utilise les fibres végétales comme de petits véhicules poétiques.